Les DYS dans la classe - Cahiers pédagogiques n° 552 - Mars/Avril 2019

mardi 14 mai 2019, par Martine Couttelin

LES DYS DANS LA CLASSE.

Le pack dys, de Emilie Pradel, professeure des écoles et maman d’une enfant dys.

J’insiste beaucoup sur la méthodologie : décortiquer avec eux les différentes étapes nécessaires pour réussir une tâche ou comment apprendre une leçon, un poème, des mots.

L’enfant dyspraxique, de Caroline Huron, chargée de recherche à l’Inserm, laboratoire de neuro-imagerie cognitive, centre Neurospin.

Les enfants dyspraxiques sont gênés pour exécuter tous les gestes de la vie quotidienne. L’habillage est souvent problématique. Les difficultés d’écriture manuscrite liées au déficit du geste graphique sont le symptôme le plus fréquemment observé. L’enfant dyspraxique continue de prêter attention au dessin des lettres. Or, notre cerveau n’est pas conçu pour faire deux tâches en même temps si ces deux tâches requièrent de l’attention. L’enfant dyspraxique se trouve en situation de double tâche cognitive dès qu’il écrit. Attention de ne pas se tromper de diagnostic : cet enfant qui épèle juste mais écrit faux n’a aucun problème avec l’orthographe. En revanche, il est en situation de double tâche cognitive quand il écrit. Evaluer un élève dyspraxique à l’écrit sans prendre en compte la situation de double tâche induite par l’écriture manuscrite revient à évaluer non pas son niveau scolaire, mais l’impact de son handicap. Attention encore : en l’absence de dyslexie, l’enfant dyspraxique n’a aucune difficulté avec l’apprentissage du code. En revanche, il peut avoir des difficultés à lire de façon fluide en raison des perturbations des mouvements oculaires. Même avec une très bonne compréhension de la différence entre les centaines, les dizaines et les unités, et de bonnes compétences en calcul, les enfants dyspraxiques peuvent aboutir à un résultat faux, parce qu’ils ont mal aligné les chiffres et se sont trompés de colonne. Enfin, la géométrie pose aussi de nombreuses difficultés tant pour le remplissage des cartes que pour leur analyse. Il faut trouver des alternatives au crayon pour toutes les situations scolaires qui nécessitent d’écrire telles que des lettres magnétiques ou en cfarton pour l’écriture de mots dans les petites classes, ou des applications numétriques sur tablette. Le Cartable Fantastique a développé, en partenariat avec le ministère de l’Education nationale, une banque d’exercices numériques en étude de la langue pour les élèves du CE1 au CM2. Elle comporte une version à imprimer pour l’ensemble de la classe.

Lire autrement, mais lire quand même, de Nathalie Bedoin, enseignante chercheuse en psychologie, laboratoire Dynamique du langage, UMR 5596 CNRS et université Lumière Lyon 2.

Sur le plan cognitif, la procédure de lecture par assemblage associant les phonèmes aux graphèmes les uns après les autres fonctionne mal, à cause de particularités cognitives sous-jacentes. Proposer à l’école maternelle des exercices pour réduire l’apparition de dyslexies ou aider à développer des stratégies de remédiation.Un autre déficit phonologique : la difficulté à extraire les syllabes ou les phonèmes dans les mots et à les manipuler mentalement. Deux autres perturbations : le déficit de mémoire phonologique à court terme qui relentirait l’apprentissage des règles, graphème-phonème et empêcherait de lire les mots longs ; un déficit d’accès au lexique phonologique, objectivité par un ralentissement en dénomination d’objets. Des recherches montrent un ralentissement de l’orientation de l’attention spatiale chez les enfants dyslexiques : utiliser un cache ou suivre avec le doigt peut alors aider. En cas de cyslexie de surface, l’adressage fonctionne mal. Tout est lu par assemblage, donc lentement et avec des erreurs. Ce type de dyslexie est caractérisé par une forte proportion d’erreurs de lecture et d’écriture des mots irréguliers en l’absence de trouble phonologique majeur. On parle de dyslexie mixte quad elle se manifeste sous des formes variées à cause du dysfonctionnement de mécanisme animant l’une ou l’autre procédure. Des anomalies de groupement visuel sont décrites chez des dyslexiques. Il est possible d’y remédier en espaçant les lignes et les mots, en n’augmentant pas trop l’espace entre les lettres, en choisissant une police offrant des indices d’alignement (serif, léger écrasement des lettres, etc.) ou en permettant aux lecteurs dyslexiques qui le souhaitent de faire pivoter la page pour percevoir les lignes presque à la verticale. Anomalie de l’attention temporelle : elle se manifeste par des difficultés à taper en rythme avec la musique ou une chanson, et entrave sans doute l’acquisition du système phonologique, puisque la parole est mal analysée, et l’apprentissage des règles graphème-phonème est ensuite difficile. Cela perturbe aussi le découpage en syllabes à l’oral et à l’écrit.

Le déficit d’attention, de Nathalie Franc, pédopsychiatre au CHU de Montpellier.

Le trouble déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) concerne environ 5 % des enfants d’âge scolaire. Le TDAH est déterminé par une classique triade de symptômes associant inattention, impulsivité et hyperactivité. Autres symptômes classiques : opposition, trouble de la régulation émotionnelle : chez plus de 80 % avec TDAH, la gestion des émotions est difficile, la baisse de l’estime de soi, les troubles du sommeil, le déficit motivationnel, une fluctuation très importante des symptômes de TDAH en fonction des situations. Retentissements scolaire, social, familial. Le diagnostic du TDAH est un diagnostic médical. Le TDAH est un trouble du neurodéveloppement. Le TDAH n’est pas la conséquence de la consommation d’écrans, mais le fait de présenter un TDAH augmente la vulnérabiité à l’abus d’écrans et de jeux vidéos. Volets nécessaires pour la prise en charge : certains programmes dédiés (programme de Barkley), aménagements scolaires tel que le plan d’accompagnement personnalisé (PAP), certaines stratégies telles que placer l’enfant au premier rang, lui reformuler les consignes, lui permettre de se lever de façon valorisé, vérifier la prise des devoirs et le matériel, valoriser les efforts de l’élève et ne pas lui renvoyer une image négative ou des injonctions impossibles à appliqur pour lui.

Si la dyscalculie m’était contée, de Flora Schwartz (département de psychiatrie de l’université de Stanfort, USA) et Jérôme Prado, institut des sciences cognitives Marc-Jeannerod, CNRS, Université Lyon.

La dyscalculie affecterait à peu près 5 % de la population, tout comme la dyslexie. Il existe différents sous-types de dyscalculie.

Lorsque les mots manquent, de Rosa Yssaad-Fesselier, psychologue, neuropsychologue, unité Dys-audiologie HFME, Enseignante à l’institut des sciences et techniques de réadaptation, Lyon 1.

La dysphasie s’observe à travers les atteintes affectant plusieurs composantes constituant le langage oral. L’enfant peut présenter des difficultés de production (il va dire "main" en dénombrant un doigt. Il dire "douce" pour "douche". Il peut avoir des difficultés syntaxiques. L’enfant ne parviendra pas à compter les syllabes d’un mot, à en supprimer une des syllabes ou à juger la différence ou la similarité entre deux rimes. L’abstraction verbale est fragile. L’enfant dysphasique a une image négative de lui-même et manque de confiance. Il a des difficultés dans l’identification des émotions vécues par un personnage. Il a des difficultés à entrer dans un groupe existant, maintenir des interactions dans un groupe, prendre des décisions, négocier, coopérer. Il lui est difficile de tenir compte de la perspective de l’autre, ce qui rend incompréhensibles pour lui les comportements d’autrui. Il ne comprend pas le sens du jeu collectif. L’utilisation de matériel visuel peut s’avérer bénéfique, car elle lui permet de traiter l’information sur un autre canal qui est fonctionnel. De manière générale : ne pas faire répéter l’enfant dysphasique ; reformuler à sa place pour lui permettre de s’exprimer ; favoriser le fond de la communication et moins la forme ; utiliser les outils qui peuvent pallier les difficultés orales : gestes, mimes pointage, etc... ; lui donner des indices lorsqu’il ne parvient pas à trouver le mot adéquat, lui donner le début du mot par exemple ; utiliser des phrases courtes et simples ; vérifier la compréhension de phrases : faire reformuler la phrase pour s’assurer de la compréhension du fond, sans tenir compte de la forme ; utiliser des exemples visuels pour une meilleure compréhension de la consigne ; éviter de donner plusieurs informations dans la même phrase ; éviter les consignes multiples.

Les troubles des fonctions exécutives, de Michèle Mazeau, médecin de rééducation, spécialiste de neuropsychologie infantile.

Pour Oliver Houdé, "il ya trois systèmes cognitifs dans la cerveau. L’un est rapide, automatique et intuitif (le système 1). L’autre est plus lent, logique et réfléchi (le système 2). Un troisième système, sous-tendu par le cortex préfrontal, permet l’arbitrage, au cas par cas, entre les deux premiers". Lors d’anomalies du développement, on observe une distractibilité. Le syndrome dysexécutif est particulièrement sensible dans les tâches nécessitant un choix, la gestion simultanée de plusieurs étapes, l’organisation d’une suite d’étapes. Un échec scolaire diffus chez ces enfants intelligents conduit à une grande souffrance. On les aide grandement en pratiquant le "stop and go" (lutte contre l’impulsivité), la segmentation des tâches et consignes et leur présentation épurée, l’introduction de pauses fréquentes.

L’AESH et l’enseignant, une relation à construire, de Virginie Boutec, professeure de français au collège La Neustrie, à Bouguenais, formatrice en lettres.

En formation, s’approprier une démarche, de Mike Noeppel, conseiller pédagogique ASH, Bas-Rhin.

Tout d’abord, il s’agit de comprendre l’enjeu actuel de l’école inclusive. La formation des enseignants vise l’appropriation d’une démarche de prise en compte des besoins de chaque élève, plutôt qu’une simple transmission d’outils ou de gestes spécifiques. Une démarche appuyée sur les besoins : recueillir des observations et dépasser les constats pour les traduire en besoins ; analyser les points d’appui des élèves ; définir des objectifs prioritaires, c’est-à-dire passer à une logique d’école, voire d’environnement de l’élève hors de l’école, en lien avec les partenaires. L’intermétier est à interroger. Les enseignants ont des besoins d’estime professionnelle, d’une formation qui doit être un espace de liberté de parole construit par des formateurs ouverts d’esprit.Il s’agit de valoriser et partager les pratiques d’adaptation. Le coeur du métier étant pédagogique, l’évolution des représentations passe également par les nombreuses ressources pédagogiques concrètes. La place laissée aux échanges, entre pairs et avec les formateurs, est palpable dans un système où chaque individu se positionne comme acteur de l’école inclusive.

Les apports des cartes mentales pour le traitement des dys, de Fabienne de Broeck, coauteure du livre Enseigner autrement avec le mind mapping, formatrice d’enseignants et coach scolaire.

Le cerveau fonctionne naturellement par association d’idées. La création de cartes mentales fait appel à notre mémoire visuelle, et permet de mémoriser un plus grand nombre d’informations. C’est l’élève qui crée ses propres cartes. Une carte heuristique est aussi faite pour être agrémentée d’images et de couleurs qui illustrent les idées qui y sont placées. Le plus grand bénéfice, qui n’est pas réservé aux dys, est de soulager la charge cognitive avec un document clair et aéré. Les cartes heuristiques permettent aussi aux élèves à haut potentiel ou souffrant de troubles dys d’exploiter pleinement leur créativité. Faire une carte, c’est entrer dans un processus réflexif qui permet aux dys de s’approprier, à leur manière, son contenu. L’intérêt d’un logiciel est indéniable. Une fois la carte réalisée, l’enseignant peut évaluer l’appropriation des connaissances et constater s’il y a des incohérences ou si le dispositif manque de pertinence. Il dispose alors d’éléments pour engager un dialogue métacognitif ajusté.