10 propositions pour changer l’école

dimanche 12 février 2017

10 PROPOSITIONS POUR CHANGER L’ECOLE
FRANCOIS DUBET / MARIE DURU-BELLAT
SEUIL 2015

INTRO
On se saurait se contenter de s’inspirer de ce qui semble faire ses preuves chez nos voisins. En Pologne une forte augmentation des performances, chez les élèves les plus faibles après la mise en place d’un tronc commun unifié jusqu’à 16 ans. La Suède qui a mis en place un système de chèque scolaire a vu se dégrader sensiblement les performances élevées et égalitaires entrainant une ségrégation. Les fonctions de l’école restent stables : transmettre une culture, des savoirs, former des citoyens et des individus autonomes.

1) Transmettre et préparer à la vie : c’est bien l’élève et ce qu’il acquiert qui doit être au centre. Evolution de l’école qui classe les élèves pour distribuer des diplômes ; au dépend de sa fonction de creuset culturel et d’éducation du citoyen, qui n’a pas toujours été et n’est pas forcément un excellent élève. L’éducation constitue pour l’école un projet en soi. Déterminer les priorités entre les savoirs est nécessaire ; une discipline n’est pas à elle-même sa propre fin. Etablir des liens entre les savoirs et la réalité qui vous entoure cela s’apprend et la meilleure manière de donner un sens aux apprentissages disciplinaires ; c’est de construire des projets transdisciplinaires. Faire passer au second plan la tout aussi nécessaire sélection d’une élite. Le socle commun augure bien d’une révolution ; on s’intéresse moins aux programmes qu’aux acquisitions des élèves, moins aux disciplines et à leurs spécialistes qu’aux élèves tels qu’ils sont et à ce dont ils ont besoin.

2) Faire plus que jamais l’éloge de la pédagogie : la relation avec le patient ou l’élève compte autant que la science que l’on possède et il est impératif de développer une approche expérimentale. Le climat de la classe fait partie du programme. La cohésion scolaire est moindre en France que dans les autres pays. Il est bénéfique que l’élève construise le sens que revêtent pour lui les apprentissages et perçoive en quoi ceux-ci lui donnent du pouvoir de compréhension et d’actions supplémentaires. Il est primordial que les enseignants mettent en place un climat cognitif encourageant. Une croyance en une éducabilité limitée nuit à l’efficacité pédagogique. On sous-estime l’importance de la gestion du groupe classe ; le conflit socio-cognitif. Il est bénéfique à tous, aux plus forts comme aux plus faibles, d’un point de vue cognitif mais aussi civique. Le seul fait de demander à la cantonade « qui a fini ? » induit un classement implicite marqué. Ce n’est pas de moins d’heures d’école dont les élèves ont besoin, mais d’un temps où ils peuvent prendre le temps de grandir. Une pédagogie de l’engagement motive et suscite l’intérêt des élèves. L’alternance de temps de travail entre élèves en minimisant les comparaisons entre eux. Pour les plus faibles, une pédagogie relativement directive, structurant soigneusement l’enseignement, définissant ce qu’on va enseigner et présentant aux élèves ce qu’ils doivent réussir à acquérir. Le rôle essentiel de l’attention et de la mémoire. C’est à l’enseignant de prendre en charge les élèves en difficulté dans le cours même de la classe et avant même toute remédiation spécifique ; c’est la solution la plus efficace. Individualiser sans externaliser. Pour doter chaque élève de confiance en soi, c’est de lui donner l’occasion de faire reconnaître ses capacités par une réalisation dans des disciplines du socle, à l’instar de la validation des acquis. Différencier encore plus les évaluations formatives.

3) Choisir le métier d’enseigner : Le bien être, l’épanouissement, l’expression ; la reconnaissance de la singularité et de la personnalité des élèves sont désormais des impératifs pédagogiques élevant sensiblement le niveau des attentes. Quand la relation pédagogique est moins donnée que construite, quand le travail en équipe s’impose, quand les relations avec les parents et les partenaires font partie du métier, quand l’orientation perd son caractère automatique, quand les technologies de l’information entrent dans l’école ; le travail des enseignants ne s’arrête pas aux portent de la classe.

4) Eduquer ensemble : Dans le primaire les progressions sont meilleures dans les petites classes, si elles sont vraiment plus petites d’au moins 5 élèves et surtout pour les enfants des milieux défavorisés. L’impact bénéfique de l’hétérogénéité des classes ; elle fait davantage gagner aux plus faibles qu’elle ne fait perdre aux plus forts. Les élèves doivent pouvoir parler e ce qu’ils vivent, de ce qui peut les blesser et de qu’ils gagnent ou pas à vivre ensemble.

5) Construire l’égalité des sexes : les relations entre pairs constituent un aspect essentiel de l’expérience scolaire. Le fait de savoir qu’en raison de votre groupe d’appartenance vous êtes censé moins bien réussir telle ou telle tâche induit une telle pression que cela obère vos chances d’y réussir effectivement. On réussit selon l’image que l’on a de soi comme étant compétent dans tel domaine et conforme ou non aux normes sociales. L’éducation scolaire doit dénoncer les stéréotypes et rendre l’élève plus critique et plus autonome. Il en va de même avec les parents.

6) Former des citoyens : La laïcité se définit par 3 grands principes ; la séparation des églises et de l’état établissant la neutralité religieuse. La constitution ne procède d’aucune religion et la citoyenneté est associée à aucune croyance religieuse particulière. Cette séparation garantit la liberté de conscience. En matière d’éducation la manière d’éduquer compte autant, voire plus que les valeurs mobilisées. Il faudrait proposer un enseignement laïque de la morale. Le clivage entre la fonction d’instruction réduite à l’heure de classe et celle d’éducation qui serait le périscolaire n’est pas acceptable.

7) Combattre l’hégémonie du diplôme : distribuer les positions sociales sur la base des diplômes entérine les inégalités. Une compétition intense, serait-elle méritocratique, pervertit le fonctionnement de l’école au point de compromettre sa fonction d’éducation. Il ne faut faire le choix d’une politique éducative qui ne cherche pas sa justification dans des impératifs économiques. On gagnerait à distinguer un temps pour l’éducation, un temps pour l’orientation vers des emplois, un temps sans borne pour la formation professionnelle. En France c’est une logique de niveau qui prévaut alors qu’en Allemagne c’est une logique de compétences. Aller ver des structures communes préparant à des grands ensembles de professions ; administration, social, industrie...L’accès y serait ouvert et on y combinerait des contenus académiques et des stages intensifs. On peut défendre plus d’école au sens de plus d’éducation, de culture de bagage commun effectif et moins d’école au sens de moins d’emprise des diplômes, notamment ceux obtenus en formation initiales. 

8) Bâtir une école plus juste : Tout se passe comme si au nom de l’égalité des chances tous les élèves devraient être des champions. L’école française est trop élitiste parce que tout son fonctionnement semble commandé par la production des élites. La bonne école doit unir les élèves plutôt que les diviser. Aux programmes ambitieux accessibles à une minorité, il faut opposer es programmes que tous doivent acquérir. Le niveau moyen s’élève et les écarts se réduisent. Le choix de l’égalité ne signifie pas que tous les élèves aient les mêmes aspirations et les mêmes compétences scolaires, mais que tous doivent être formés le mieux possible. A côté du socle commun on doit pouvoir faire plus de ce qu’on aime et ce qui permet d’exceller. Chaque élève pourrait construire son propre profil affinant progressivement ses gouts et ses projets. Le lycée français coute par élève 28% de plus que la moyenne des lycées des pays de l’OCDE. L’école élémentaire française coute 17% de moins que cette moyenne. Il faudra admettre qu’il existe d’autres formes de mérite que celles que sanctionnent les études. Une offre de formation tout au long de la vie.

9) Réinventer l’institution scolaire : le système fonctionne sur les bonnes volontés. Savoir ce que l’on attend des enseignants et élargir le champ des compétences ; faire la classe, aider les élèves en petits groupes, participer à des enseignements pluridisciplinaires, monter des projets, travailler avec les parents et avec des élèves aux besoins particuliers. Aider les équipes à fixer leurs objectifs et à corriger la politique de l’établissement. Tous les établissements signent un contrat avec les autorités de tutelle, un contrat qui les engage sur des objectifs et sur un projet. Un contrat qui engage aussi les tutelles à les soutenir et les aider.

10) Rétablir la confiance démocratique : dire aux parents ce que l’on attend d’eux, quels sont les objectifs visés, les méthodes choisies, les formes d’évaluation afin qu’une sorte de pacte éducatif les lie à l’école. Les enseignants qui prennent le temps de parler et de dire ce qu’ils font, finissent par être entendus par plus de parents qu’ils ne le pensaient. Pourquoi ne pas utiliser les parents pour qu’ils parlent de leur métier, de leurs voyages, de leurs lectures, de leurs passions, pour qu’ils animent des ateliers ou prennent soin du jardin potager.... Il faut établir la confiance par le bas, par le pacte éducatif que chaque établissement passe avec les parents et les élèves. L’école doit accepter la communauté afin d’être soutenue par elle.

CONCLUSION
Tous les élèves doivent être considérés comme étant capables d’apprendre et de réussir et que tout doit être fait pour que l’école reconnaisse les singularités des projets et des talents. Les adultes permettent aux élèves de construire leurs propres expériences, leur permettent de grandir. Le service des enseignants est redéfini et élargi à d’autres tâches que les seules heures de cours et le travail prescrit tient compte du travail réel. Si l’école ne peut pas tout, si elle ne peut pas régler la plupart des problèmes sociaux, elle a cependant le devoir d’être la meilleure école possible. C’est à ce projet que nous avons voulu contribuer.

 

Notes prises le 11 / 02 / 17
Robert Girerd

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